Comme au théâtre, tout va se jouer en quelques heures : unité de lieu, unité de temps, unité d’action.
Le lieu, c’est la Cour d’Assises de Rennes, où bien de se tenir un procès ultramédiatisé. Le temps, ce sont les quelques heures qui conduisent au verdict. Et l’action, ce sont ces délibérations invisibles qui scellent un destin, disent la justice peut-être, et resteront pour toujours secrètes.
Le rideau se lève après les débats, le défilé des témoins, les plaidoiries. Au moment où le public sort de la salle pour déambuler dans les couloirs, à attendre. Où l’accusée rejoint sa cellule, et n’a plus qu’à attendre et à se souvenir. Et où neuf hommes et femmes vont devoir décider ensemble. Est-elle coupable ? Et si oui, comment doit-elle être punie ?
Bien sûr, on pense au film Douze Hommes en Colère, qui met en scène des jurés après un procès, aux États-Unis. Mathieu Menegaux le sait bien, et il en joue, avec son titre d’abord, et en nous éclairant aussi sur le système judiciaire français. Ici, on ne refera pas le procès en examinant à nouveau les pièces à conviction. Les jurés ne pourront s’appuyer que sur ce qu’ils ont entendu, et les notes qu’ils auront prises. Ici, il y a bien des jurés tirés au sort (hommes ou femmes) mais seulement six, accompagnés de trois magistrats qui sont là pour leur connaissance de la loi.
Par la magie de la littérature, il va nous faire entrer dans leur tête, les connaître intimement, avec leur histoire, leurs doutes, leurs idéaux. Dans une tension qui ne fera que monter, dans le va et vient entre la salle des délibérés et la cellule de la prison de Rennes, où Mathilde Colignon attend.
On le sait dès le début : Mathilde Colignon a commis un acte horrible, barbare même, sans l’ombre d’un doute possible. Cet acte fait-il d’elle un monstre ? Peut-il avoir une justification ?
Les indices nous sont distillés petit à petit, et petit à petit l’histoire se recompose. On comprend vite qu’il s’agit de violences perpétrées par une femme, mais aussi de violence faite aux femmes, et que Mathilde Colignon est à la fois coupable et victime.
Faut-il comprendre son acte pour le juger ? Ou au contraire, refuser de le comprendre ? Quel est le rôle de la justice, finalement, condamner ou non, ou bien donner un exemple, envoyer un signe fort ? Et si oui, lequel ?
Les points de vue sont multiples, et Mathieu Menegaux ne nous en impose jamais aucun. Dans cette variété de regards et d’opinions, à chacun de se faire la sienne, librement.
C’est un livre tout en tension, qui se lit d’une traite, un livre qui marque… pour ne rien vous cacher, je l’ai fini il y a quelques temps déjà. Ces derniers mois ont été très chargés pour moi, et me laissaient bien peu d’énergie pour lire ou pour écrire sur le blog… et pourtant, ce roman m’a laissé un souvenir très net, même des semaines après. Au point que je n’ai eu besoin de le feuilleter que pour vérifier le lieu de la Cour d’Assises ou le nom de l’accusée.
Un livre aussi percutant que sa couverture… à conseiller, incontestablement.